Le 30 janvier 2021 marque la deuxième Journée mondiale des maladies tropicales négligées (MTN). Au Canada, nombre d’activités souligneront l’ampleur des maladies tropicales négligées et mettront en lumière les moyens par lesquels cliniciens, chercheurs, défenseurs des intérêts, étudiants et leurs partenaires au développement peuvent contrer les maladies tropicales négligées afin de participer à l’atteinte des objectifs généraux de contrôle, d’élimination et d’éradication de ces maladies.

Les maladies tropicales négligées regroupent une vingtaine de maladies transmissibles qui sévissent principalement dans les régions tropicales et subtropicales. À l’heure actuelle, plus d’un milliard de personnes vivent en zone endémique pour une ou même plusieurs maladies négligées. Nous considérons ces maladies comme négligées parce qu’elles ne retiennent pas l’attention et ne profitent pas du financement qu’elles méritent, malgré le nombre important de personnes à risque d’infection ou atteintes de problèmes de santé chroniques associés. Ces problèmes souvent handicapants entraînent la stigmatisation, limitent le potentiel financier et contribuent à la détérioration de la santé mentale des personnes atteintes et de leur famille. La schistosomiase génitale féminine (SGF) est l’une des plus négligées de ces maladies.

Qualifiée de « problème de santé sexuelle et reproductive dont vous n’avez probablement jamais entendu parler » et de « fléau secret des fillettes et des femmes », la SGF est l’une des affections les plus courantes dans de nombreuses communautés africaines subsahariennes. La SGF est la manifestation d’une infection par Schistosoma haematobium. L’infection se propage par le contact avec une eau douce contaminée. Par conséquent, les eaux insalubres et l’assainissement déficient sont d’importants facteurs de risque de la SGF. Les femmes et les enfants sont particulièrement susceptibles de contracter une infection, car ils se lavent, puisent de l’eau et effectuent des tâches domestiques dans l’eau à proximité. On estime à 112 millions le nombre de personnes infectées par S. haematobium à l’échelle planétaire. Environ 90 % des personnes qui auraient besoin d’un traitement contre la schistosomiase vivent en Afrique et bon nombre risquent la réinfection, et ce, même après un traitement par praziquantel.

Les femmes atteintes de la SGF peuvent éprouver des signes et symptômes semblables à ceux des infections transmissibles sexuellement : sensation de brûlure dans la région vulvaire, légères pertes sanguines (spotting), pertes vaginales anormales et malodorantes, douleurs abdominales basses, hématurie et ulcérations génitales. Les complications à long terme de la SGF sont les lésions aux organes génitaux, l’infertilité, la grossesse ectopique, l’avortement spontané, un bébé de faible poids à la naissance et l’accouchement prématuré. La schistosomiase urogénitale peut entraîner la fibrose de la vessie et de l’uretère ainsi que des lésions rénales. Qui plus est, elle est un facteur de risque pour le cancer de la vessie. De plus en plus, les données probantes suggèrent que la SGF est un possible facteur de risque pour l’infection au VIH. On estime que 40 millions de femmes et fillettes en Afrique subsaharienne sont atteintes de la SGF et que bon nombre d’entre elles ne reçoivent pas un diagnostic adéquat en raison des mauvaises connaissances des travailleurs de la santé sur l’affection ou de l’accès limité aux services de santé. Les meilleures méthodes pour diagnostiquer la SGF sont l’utilisation du colposcope, qui permet d’observer les lésions dont l’aspect rappelle celui des grains de sable et les vaisseaux sanguins anormaux caractéristiques de l’infection (voir l’atlas de poche de l’OMS https://apps.who.int/iris/handle/10665/255855), et l’analyse histopathologique des lésions biopsiées, option non offerte dans bien des établissements de santé ayant peu de ressources. L’erreur ou l’absence de diagnostic fait subir aux femmes des conséquences physiques et mentales liées à la SGF, lesquelles sont associées à la stigmatisation, à l’infertilité non traitée et aux soupçons d’ITS.

Bon nombre des femmes et fillettes à risque élevé de contracter la SGF risquent aussi de contracter une infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et au virus du papillome humain (VPH). Ce « triple fardeau » constitue une menace sérieuse pour la santé sexuelle et reproductive des femmes et fillettes, mais il s’agit également d’une belle occasion pour l’intégration programmatique et l’amélioration de l’efficacité en matière de prévention et de diagnostic. Les récents appels pour intégrer la SGF au programme général du VIH/sida et l’appel mondial visant à éradiquer le cancer du col de l’utérus comportent les cadres politiques pour mener cet objectif à bien. L’intégration programmatique renforce tous les paliers du système de santé, depuis la formation du personnel de soins jusqu’aux services diagnostiques et de prévention offerts dans les établissements de santé. Comme le soulignent Engels et ses collaborateurs, de plus en plus de données probantes indiquent que le fait d’avoir le contrôle sur l’une de ces maladies peut diminuer les issues non souhaitables des deux autres maladies.

Pourquoi la SGF est-elle pertinente pour la population canadienne? La Politique d’aide internationale féministe (PAIF) oriente la politique gouvernementale en vigueur sur les projets canadiens à l’étranger. Dans la PAIF, le gouvernement souligne l’importance d’aborder certains des sujets les plus négligés en matière de santé sexuelle et reproductive, dont la SGF fait partie.

Même si des millions de femmes et fillettes en Afrique subsaharienne sont atteintes de la SGF, cette affection demeure relativement peu connue. Il est impératif que les cliniciens qui travaillent en santé sexuelle, dans des cliniques traitant le VPH et le VIH et dans d’autres programmes en Afrique subsaharienne comprennent la prévalence du vers S. haematobium dans la région. Le Projet spécial élargi pour l’élimination des maladies tropicales négligées de l’Organisation mondiale de la Santé fournit des renseignements cartographiques à jour sur la schistosomiase en Afrique subsaharienne (https://espen.afro.who.int/). Il est également important pour les cliniciens au Canada d’envisager la possibilité de la schistosomiase et ses complications, y compris la SGF, lorsqu’ils dispensent des soins aux femmes et fillettes des zones endémiques. Mettons fin à leurs souffrances ici au Canada grâce à un diagnostic juste et à de bons soins cliniques.

Enfin, nous ne pouvons pas aborder la SGF toute seule. En ce 30 janvier, essayons de faire du Canada un leader mondial dans le mouvement qui mettra fin à la SGF en favorisant l’adaptation des protocoles de diagnostic et de traitement du VPH, du VIH et des ITS pour y inclure la SGF, en soutenant la chimioprophylaxie par praziquantel dans les collectivités en zone endémique afin de réduire l’incidence de la SGF et en soutenant l’intégration programmatique pour enrayer l’inefficacité du travail en silo en matière de santé sexuelle et reproductive. Quarante millions de femmes et fillettes en Afrique n’attendent que ça.

  1. RÉFÉRENCES

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      The sexual and reproductive health issue you’ve probably never heard of….

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